• "GONDEVILLE, UNE LEGENDE DU SIECLE" - VII

     

    Le Jeune homme en colère agglutine ainsi en lui ce tournant du siècle qui vit la mort des villages et commença de faire craquer la philosophie même du progrès dont les Lumières avaient amorcé l'élan. Il est d'ailleurs possible que les deux phénomènes ne soient pas que concomittants, mais étroitement liés comme l'avers et le revers d'un même retour aux archaïsmes ... Claude Roy apparaîtrait alors comme celui qui se contente de faire signe, mais refuse de s'impliquer plus avant, plus profond.
     

    Les Charentais prodigues  


     C'est cette instantanéité de la sensation et du sentiment que ses premiers compagnons de route poétique lui ont longtemps reproché. Claude Roy avait passé sa prime enfance à Paris puis son adolescence à Gondeville, après que son père eut acheté le domaine de Marancheville2. Cette rupture marque beaucoup l'enfant; la Charente, au début, lui semble bien étriquée par rapport à ce qu'il vivait dans son lycée parisien. Puis, peu à peu, il s'y attache, au point d'en créer une dimension nouvelle à sa sensibilité. Paris-Gondeville, dès l'adolescence Claude Roy éprouve la double attirance et sa difficile harmonie intérieure. Dans Sais-tu si nous sommes loin de la mer?, son « testament poétique » (selon son préfacier, Hector Bianciotti), il va justement tenter de réunir en un seul chant ce qui lui vient de sa Charente « L'enfant buissonnier colle l'oreille à la terre étouffée d'août ») et ce que son errance à travers toutes les cultures du monde lui a permis de récolter (« They lived and loved and laughed and left », il est tout à fait caractéristique que ce vers magnifique du Finnegans Wake de James Joyce introduise son poème charentais). 
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    2 Félicien Roy (Madrid 1872 - Gondeville 1947), le père de Claude, est un vrai personnage de roman. Sa vie commence par une fable: son grand-père était cordonnier à Châteauneuf-sur-Charente, pauvre comme on peut l'être dans un atelier d'artisan, et son père banquier en Espagne, riche à millions. Le savetier et le financier ... Lui est de nature sensible et récuse la réussite de son père. Il préfère de loin l'intimité de Châteauneuf aux fustes de Madrid. Il décide de s'y installer et se lance dans la peinture. Claude Roy dit de son œuvre, immense et méconnue, qu'elle est une recherche à sauver la lumière des Charentes, Jean-Marie Creuzeau, un des grands peintres charentais, originaire de Jarnac, parle de lui dans ses souvenirs comme de quelqu'un qui a vu «passer les grandes écoles en isme sans paraître s'en apercevoir» Jarnac, Jarnac, 1995). Amateur, passionné, à l'écart, il le restera toute sa vie. À Châteauneuf, il rencontre son âme sœur, la postière du village. Elle aussi est en révolte contre sa famille, une grande lignée de Matha, habituée des équipages de chasse à courre et des bâtards laissés par les aînés dans les fermes des environs. Neuf années durant, les amours du peintre et de la postière se cachent; survient une grossesse, le futur Claude Roy (paris 1915 - id. 1997), ils décident de se marier. Félicien trouve un emploi de traducteur d'espagnol au ministère des Affaires étrangères et il abandonne la peinture. À la mort de son père, il hérite de quoi acquérir le beau domaine viticole de Marancheville, à Gondeville, s'y installe, essaie maladroitement de se transformer en véritable viticulteur et surtout se remet à la peinture.

     


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